La
philosophie de L’Islam
[1]


Elle trouve ses racines
dans les académies de l’église schismatique des Nestoriens et celle des
Jacobites, qui, émigrant de la Syrie au 4e s., se sont établies dans la perse
sassanide à Nisibin et Jundichapur. Au 7e s., les musulmans ne s’intéressaient
pas encore à la logique et la philosophie grecque, mais avec la confrontation
aux philosophies dans les pays qu’ils dominent (précédemment hellénistiques)
et l’influx de convertis chrétiens et juifs, leur intérêt en la matière
s’est accru.

La première école de
philosophie proprement islamique est celle des Quadarites, qui apparaît au 8e s. en Syrie, en réaction au déterminisme
coranique; on peut nommer Ghaylan (m.
743).

Le problème du libre
arbitre devient un des sujets chers à l’école rationaliste de Mutazilites,
qui s’exprime sous les califes abbasides de Bagdad (750-1258). La fameuse Maison
de la Sagesse, fondée par le calife al-Mamoun (786-833) à Bagdad, fait partie
de cette tendance. C’est là que le physicien nestorien Hounayn ibn-Ichaq dit Joannitius (809-873), avec son fils et son neveu, traduit des textes
grecs authentiques tels que La République
de Platon et Les Catégories et La
Physique
d’Aristote, mais aussi des apocryphes.

Une réaction orthodoxe
islamique est menée au 10e s. par abou-al-Hassan al-Achari de Bagdad (873-935). D’abord disciple des Mutazilites, il
se révolte contre leurs “hérésies” et fonde l’école des Mutakallimoun.
Sa nouvelle dialectique (kalam), bien
que quelque peu réceptive au raisonnement grec, le subordonne à la vérité révélée
du Coran (le dogme, dirons nous).

Une harmonisation entre
la philosophie et la religion est aussi poursuivie, mais de manière syncrétique,
par divers grands métaphysiciens anti-orthodoxes tels que les néoplatoniciens al-Kindi
(arabe, m. ca. 873), al-Farabi ou abou-Nasr dit Alfarabius ou Abounaser (turc, ca.
870-950), ibn-Sina dit Avicenne (persan,
980-1037) ou encore l’aristotélicien ibn-Rouchd dit
Averroës
(Espagne-Maroc, 1126-1198).

D’autres tendances désapprouvées
par les conservateurs incluent les Frères de la sincérité de Basra (pythagoréens),
les Encyclopédistes de Bagdad, et les Soufis (mystiques). Ces derniers incluent
le grand théologien al-Ghazzali dit
Algazel (1058-1111), qui s’oppose pourtant aux néoplatonistes.

La controverse entre les
orthodoxes et les philosophes plus libres penseurs (falasifa) islamiques est due à leurs conceptions différentes
concernant D., la création, la prophétie, l’âme et son immortalité.

Pour exemples: est-ce
que la connaissance de D. concerne les lois générales de la nature, ou tous
les faits individuels? Si la matière est éternelle, comme le dit Aristote, la
création n’est elle pas mise en doute? Si l’âme humaine n’est qu’une faculté
intellectuelle et morale, peut-elle être immortelle? Etc.

Les défendeurs de la
foi font appel à Démocrite: dans un monde constitué d’atomes, où même
l’espace et le temps sont composés d’unités discrètes, D. est nécessaire
pour continuellement donner vie au mouvement. Avicenne fait appel à la théorie
de l’émanation de Plotinus. al-Ghazzali attaque le rationalisme en 1095 dans l’Incohérence
des philosophes
. Averroës lui répond en ca.
1180 dans l’Incohérence de l’incohérence.

Les philosophes
islamiques ne sont pas de simples expositeurs de la philosophie grecque, mais
des penseurs créatifs. Ils ont une grande influence dans ces deux rôles sur
les philosophes juifs et chrétiens de l’époque médiévale.

En ce qui concerne la
philosophie juive, il faut citer Moshe ben Maimon dit Maimonides
(Espagne-Maroc-Egypte, 1135-1204). C’est un aristotélicien par Avicenne et
surtout Averroës, qui comme eux oppose la métaphysique des Mutakallimoun. Il
influence le dominicain Thomas d’Aquinas (1227-1274). On peut aussi mentionner
Avendeath (converti au christianisme, ca.
1090-1165), traducteur et donc intermédiaire entre le monde arabe et
occidental. La plupart des textes d’Averroës parviennent aux écoles
occidentales en langue hébraïque.

Avicenne a une place
importante chez Aquinas, ainsi que chez son maître le dominicain Albertus
Magnus (ca. 1193-1280). Plus tard, il
est cité par Meister Eckhart (ca.
1260-1327) et Dante (1265-1321), parmi d’autres. Averroës, il faut dire,
contrairement à son prédécesseur Avicenne, n’est pas apprécié par l’Eglise,
qui proscrit sa doctrine au 13e s.; Guillaume d’Auvergne se dédie à le réfuter,
ainsi que le franciscain St. Bonaventura (1221-1274).

La philosophie islamique
perd son souffle vers la fin du 13e s.

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[1]
Basé principalement sur Edward J. Jurji (“Arabic and Islamic
Philosophy”, History of
Philosophical Systems
, Littlefield Adams: NJ, 1961).